J'sais plus [libre, rappel vous devez tous poster dans le réfectoire]

Miki arriva dans le réfectoire en savourant le moment où elle passait sous la majestueuse porte. Son entrée ne pouvait qu’être belle grâce à la splendeur du lieu. La directrice adjointe trébucha tout à coup et ses rêveries à propos de la porte du réfectoire s’estompèrent.
Miki frappa rageusement sur le sol de pierre et se fit mal au poing.
Elle regarda ses pieds. L’une de ses jolies bottines type « Mary Poppins » avait un lacet défait. Cela déconcerta la jeune femme.
Elle avait l’habitude de contrôler la moindre de ses action, elle avait appris à situer dans son intellect son corps dans l’espace. Ce genre de faux pas était très rare chez elle. Elle était troublée et chercha une explication rationnelle qu’elle trouva vite.
Depuis quand n’avait-elle pas dormi ? Elle n’avait que somnolé ces derniers temps. Ces derniers jours ? Ces derniers mois ?
Une brusque fatigue qu’elle avait tenté de cacher la saisit et elle ouvrit les vannes.
Depuis combien de temps n’avait elle pas été sereine ? C’était quoi cette lubie de faire une école et de devenir prof quand on n’était même pas capable de se prendre en main ? Pourquoi voulait-elle absolument s’occuper des gosses des autres ? Parce quelle n’en avait pas ? Parce qu’elle était incapable d’en avoir ? Miki était folle de rage et de désespoir.
Son maquillage coula. Deux coulées noires glissèrent sur ses joues, dégoulinèrent le long de son menton et formèrent deux petites flaques sur les dalles de pierre. Son portable sonna et la musique du dessin animé d’Hello Kitty retentit dans la salle.
La directrice adjointe se gifla pour se ressaisir et agrippa son téléphone. C’était un sms de Natsue : « C bon tt est prêt ? Les élèves peuvent venir ? ».
Miki se releva de toute sa hauteur chercha son miroir de poche s’essuya les yeux, se repoudra en bon petit soldat, arrangea son khôl et essuya les flaques noirâtres. Puis elle vérifia que tous les mets étaient correctement disposés sur la table, se servit un verre de lassi à la rose et répondit « oui » à Natsue.
Elle devait assurer.
La directrice adjointe se dirigeait vers les toilettes pour se laver les mains mais entendit tout à coup un bruit de respiration.
Un élève ou un professeur était là. Miki ne se retourna pas tout de suite. Elle avait peur. Depuis combien de temps cette personne était là ? Qu’avait elle vue ? Miki s’en voulut d’être si faible. Elle se retourna et se dit intérieurement « ça ne pouvait pas être pire… »

Himeka était campée dans l'entrée, sûre d'elle, fixant sa directrice adjointe, semblant chercher le minimum de mots acides pour être blessantes.
Le fruit de sa réflexion ne se fit pas attendre.
-Vous devriez faire attention, les traces de khôl ne pardonnent pas.
Miki fit rapidement le compte dans sa tête. Onze mots. Onze mots qui ne pouvaient pas être reprochés à son élève, onze petits mots se trouvant dans le dictionnaire, étant utilisé dans un langage très courant. Et pourtant onze mots assassins. Himeka prouvait sa supériorité en mettant le doigt dans l'une des failles de Miki.
La directrice allait serrer les doigts autour du verre mais elle s'abstint. Une partie d'échecs avait été entamé avec Himeka depuis son arrivée dans ce pensionnat. Pour l'instant, certaines de ses pièces avaient été dévorées par cette petite fille hautaine. A présent tout devait être sous contrôle. Elle en avait soupé des jeunes filles de bonne famille bien fringués, avec leurs gadgets technologiques hors de prix pleins leurs sacs, leurs coupes de cheveux à la mode et leurs talons hauts pour petits pieds. Certes, Himeka ne correspondait pas à cet archétype mais elle était tout aussi méprisante et méprisable. Au fond, Miki était sûre qu'Himeka pouvait être agréable. Il lui fallait sans doute du temps pour s'habituer. Toutefois, il était de son devoir de marquer les limites du pouvoir d'Himeka. Il fallait empêcher cette petite "reine blanche" de bouger dans tous les sens. Créer des frontières avec ses propres pions et être victorieuse sans même tuer le roi. Et pour cela, elle devait commencer par répondre.
-Oui tu as raison je vais régler cela.
Miki remarqua la jolie robe de son élève. La couleur rouge su sa blanche immaculée lui évoquait une bouffée de sang vif. Rougeur sur la neige... De belles images somme toute. Toutefois ce n'était pas là la tenue réglementaire.
-Tu devrais être en uniforme.
Alors qu'Himeka allait protester, la taille de l'uniforme que l'école lui avait fourni étant trop grand il était logique qu'elle ait choisi d'utiliser ses propres habits. Ashigaru réagit.
-Oh je sais bien! Ton uniforme est trop grand. Je t'avais demandé de passer au bureau des directrices pour en avoir un autre, cependant je comprends parfaitement que tu n'ais pas trouvé le temps de le faire. Aussi je te propose deux solutions afin de remédier à ce problème de tenue incorrecte. Tu peux retourner sur tes pas et demander à Mlle Nakamura de te fournir tes habits ou alors je peux lui envoyer un message et lui demander de te les apporter directement et tu te changera dans la salle d'eau à côté.
Elle but une gorgée de Lassi. La saveur douce et sucrée finit de l'apaiser. Ce nectar couleur Nakamura était décidément délicieux. Evidemment, cela ne vallait pas un bon Jameson. Mais le lassi était plus respectable pour un pédagogue. La directrice adjointe ajouta:
-Il faut répartir les boissons tout au long de la table, tu pourrais m'aider.
Le regard de Miki était resté planté dans celui d'Himeka tout au long de cet entretien et aucune d'entre elles n'avait exprimé le besoin de baisser les yeux.

[Je suis désolée, mais je switche au discour à la 3e personne, je n'arrive plus à écrire à la 1ère.]

Cette fille croyait-elle vraiment pouvoir la faire changer de tenue en claquant des doigts ? Si tel était le cas, elle allait certainement être déçue. Très déçue. Après tout, s'il y avait bien un trait de caractère qu'elle avait hérité de sa... maternelle, c'était bien son inflexibilité. On ne fait pas plier une Suzumeyo aussi facilement.

Elle retint néanmoins un léger sourire. Elle avait faillit ne pas le remarquer, mais si la sous-directrice avait abordé le sujet de sa tenue, c'était avant tout parce qu'elle était gênée. Elle avait l'impression d'avoir entâmé une partie d'échec avec cette femme à l'instant où leurs regards s'étaient croisés. Elle était probablement celle qui avait initié cette partie et, par conséquent, avait hérité des pions blancs. Ainsi, il y aurait au moins un changement dans a vie, elle qui avait tellement l'habitude du noir...

Quoi qu'il en fût, qu'elle soit noire ou blanche, elle était et resterait la reine du plateau de jeu. Celle qui était la plus dangereuse, la plus terrifiante. Et, accessoirement, la dernière défense du roi. Car le roi, c'était ce qu'il y avait de plus important, et elle était prête à tout pour protéger le sien. Les siens. D'ailleurs, elle savait d'avance qu'elle gagnerait, elle gagnait toujours. La preuve, elle avait déjà dévoré certaines pièces de son adversaire. Et elle allait continuer.

Et puis, on ne pouvait pas non plus dire qu'elle n'y mettait que de la mauvaise volonté, après tout, elle y était passée, à ce fameux bureau, et il n'y avait eu personne. On ne pouvait pas non plus l'accuser des fautes des autres, elle avait déjà bien assez à faire avec les siennes.

-Il se trouve que j'y suis passée, au bureau. Et il n'y avait personne.

Puis, elle lança un regard en biais vers les boissons dont il était question, se rapprochant encore de quelques pas et tournant finalement le dos à son interlocutrice.

-Les boissons sont très bien ainsi. Elles forceront les élèves à se cotoyer.

Ashigaru n'y avait probablement pas pensé, mais le fait de laisser les boissons groupées ensemble donnerait l'occasion aux élèves, comme aux professeurs, d'engager la conversation avec une autre personne, de faire connaissance. Pas que la reine soit une adepte des relations sociales - elles étaient beaucoup trop blessantes pour être agréables - mais d'une certaine façon, cette femme lui faisait pitié. Alors, même si elle ne ressentait pas le besoin d'aider les gens, comme d'autres pourraient le ressentir, la jeune fille lui donnerait quand même un petit coup de pouce, histoire de lui faire baisser sa garde et ainsi de mieux la frapper la prochaine fois.

En fin de compte, peut-être que qu'elle n'était ni vraiment blanche, ni vraiment noire, plutôt d'une nuance de gris qui fonçait ou s'éclaircissait selon les jours. Il fallait croire que ce jour-là, sa nuance était plus proche du blanc qu'elle ne l'aurait elle-même imaginé.